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A Castillon « la Bataille », l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) s’inscrit dans le destin particulier de la commune.

08 octobre 2025 Visites
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A l'automne dernier, Marie-Laure Cuvelier, membre de notre association, mais surtout députée suppléante de la 7ème circonscription et conseillère régionale déléguée à l’économie sociale et solidaire, nous a présenté l'historique, les principes d'action et quelques réalisations de l'Economie Sociale et Solidaire dans le secteur de Pessac et des Graves. Elle nous avait alors sensibilisés à l'intérêt de l'opération "territoire Zéro Chômeur de Longue Durée" menée par le maire de Castillon la Bataille.

Nous nous sommes donc rendus sur place pour mieux comprendre et apprécier les objectifs et les premiers effets de cette expérimentation.

 

Il existe en France une quinzaine de communes portant le nom de « Castillon », qui évoque une place fortifiée, mais une seule a ajouté à son nom le souvenir d’une « bataille » qui a marqué l’histoire.

Les quelques rappels historiques qui suivent illustrent la singularité de l’aventure castillonnaise.

Si la ville de Castillon est mentionnée dès l’an 845, c’est bien sûr le 17 juillet 1453 : la défaite de Talbot et l’Aquitaine qui revient en « l’obéissance du roi de France », qui fait sa renommée.

Après la guerre de 100 ans, ce sont les guerres de religion qui marquent douloureusement l’histoire de la ville.

Mais au 18ème siècle on la retrouve prospère grâce au trafic fluvial et à l’action de la Jurande.

Elle change d’aspect. Sont construits, suite au leg du Maréchal de Turenne, une nouvelle église (1746) et un hôpital (1789-1791), c’est lui qui deviendra l’actuel hôtel de ville, dont le style néo-classique impressionne toujours le visiteur.

Durant la seconde guerre mondiale Castillon, occupée par les Allemands, est ville frontière, puisque la ligne de démarcation la traverse ; quelques citoyens courageux s’illustrent alors en aidant à passer en zone libre ceux qui fuient la barbarie nazie

Enfin, en 1953, Castillon, pour le 500ème anniversaire de la bataille de 1453, prend le nom de « Castillon la Bataille ».

 

Une histoire de ponts  

La rivière source de prospérité ou de calamité n’a pu être franchie qu’en 1835 par un pont suspendu, suivront en 1875 le pont de chemin de fer reliant Castillon à Libourne et Bergerac, et en 1905 un second pont soulageant le vieux pont en mauvais état.

Mais le 23 juin 1940, pour ralentir l’avancée allemande sur Bordeaux, l’armée française dût se résoudre à faire sauter tous les ponts sur la Dordogne. Ils seront ensuite réparés, ou entièrement reconstruits comme le « pont de pierre » de Castillon.

Et, en ce mardi 16 septembre 2025, sous un soleil radieux, le balcon de la mairie de Castillon offre précisément une vue remarquable sur l’enfilade des ponts sur la Dordogne (fleuve ou rivière ?) dont le 1er adjoint au maire de Castillon en nous accueillant, regrette qu’elle ne fasse pas l’objet d’une valorisation aussi importante en Gironde que dans les autres départements qu’elle arrose : la Corrèze et la Dordogne.

Cette ville au destin singulier méritait bien d’être retenue dans un dispositif national aux ambitions admirables faire de l’emploi un droit pour que chaque personne ait accès à un travail adapté à son savoir-faire et à ses compétences.

Une Entreprise à But d’Emploi (EBE) est alors créée, au sein du territoire habilité, pour développer des activités créatrices d’emploi, adaptées aux difficultés des personnes privées durablement d’emploi et répondant aux besoins du territoire.

Lorsque le 28 mars 2022, le projet castillonais est retenu, la ville rejoint les 10 premiers sites « territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) habilités 5 ans plus tôt.

Les conditions pour qu’une personne en recherche d’emploi soit éligible au dispositif sont les suivantes :

  • être sans emploi depuis au moins 1 an malgré une recherche active
  • ou être employé sur une activité dégageant un revenu insuffisant pour vivre notamment en raison d’un nombre d’heures de travail trop limité.

L‘entreprise à but d’emploi Castilab définit ainsi son ambition et sa raison d’être tels que ses responsables, la cheffe de projet TZCLD et le directeur de Castilab nous les ont présentés :

« Nous sommes un outil pour construire le droit à l’emploi sur le territoire, alors même qu’il est fortement impacté par le chômage, avec un taux de 27%. Cette ambition est impulsée et incarnée par la mairie de Castillon-la-Bataille, qui rassemble au sein d’un Comité Local pour l’Emploi (CLE) tous les acteurs concernés. L’enjeu est de développer une coopération entre les collectivités (Mairie, Communauté de Communes, Département, Région, Etat), les acteurs de l’insertion professionnelle (France Travail, le PLIE, la Mission locale, Cap Emploi), les associations et les structures employeuses, qui permettent à tous ceux qui sont au chômage subi de trouver une solution concrète.

Dans ce projet collectif, notre mission spécifique est de créer avec les salariés et les personnes privées d’emploi du territoire des emplois durables, adaptés et utiles.

Pour cela nous développons des activités qui répondent à des besoins insuffisamment satisfaits sur le territoire : transition écologique, services à la personne et aux entreprises.

Les services supports nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise complètent les métiers développés dans ces activités.

Nous sommes maintenant plus de 65 salariés et allons continuer d’embaucher une à deux personnes par mois pour parvenir d’ici quelques années à un territoire où le chômage subi n’existe plus 

 

Restait à découvrir comment Castillon et Castilab avaient concrétisé ces objectifs.

Nous avons alors visité les locaux de l’association dans lesquels s’organisent et se planifient les services de la « conciergerie de ville » comme par exemple changer une ampoule, déplacer, monter, installer un meuble en kit, une étagère, un lustre…promener le chien , effectuer divers nettoyage (hotte, réfrigérateur, baie vitrée…) ainsi que le « TUS » (Transport d’Utilité Sociale) qui propose à toute personne en situation précaire résidant sur le territoire de la communauté de communes  des prix avantageux pour des trajets du quotidien (rendez-vous médical, courses…) dans un périmètre de 50 km autour de Castillon-la-Bataille.

Ensuite nous nous sommes intéressés aux activités plus techniques de Castilab installées dans une ancienne école de filles.

La menuiserie fabrique des composteurs mais aussi des abris pour hérisson ou encore des gîtes pour chauve-souris, ou des hôtels à insecte…

Le recyclage de cartons permet de commercialiser de la litière animale pour les chevaux ou les chats et « Chat’cartonne » !. 

Quant au pôle couture, il pratique le recyclage de toutes sortes de textiles pour réaliser des doudous ou des décorations de Noël mais aussi des sacs pour les courses, des totebags de grande taille pour le linge, des pochettes pour les ordinateurs…

Enfin, l’heure du déjeuner arrivant, nous nous sommes dirigés vers le site de l’épicerie-crêperie « Bio D’Ici ». A partir d’un constat simple : beaucoup de maraîchers dans le Castillonnais, mais peu de solutions pour distribuer leur production, le comité local pour l’emploi et Castilab ont élaboré une proposition complète : une épicerie et une crêperie offrant un large choix de produits locaux et bio, ainsi que des ateliers culinaires pour apprendre à les cuisiner. Les travaux de remise en état du local ont été réalisés par les équipes de Castilab , permettant une montée en compétence de salariés sur les métiers de la construction.

Voici quelques réponses aux questions que nous n’avons pas manqué de poser à nos accompagnateurs concernant cette expérience originale :

La logique économique sur laquelle repose le projet TZCLD se base sur l’activation des dépenses passives, comment définir concrètement cette notion ?

La privation durable d’emploi a un coût. Elle représente des dépenses publiques (allocations chômage, RSA…) et des manques à gagner (cotisations salariales et patronales, TVA additionnelle…) pour l’État, les collectivités territoriales et organismes (Cnaf, Ursaff…). À ces dépenses et manques à gagner directs s’ajoutent les coûts indirects de la privation d’emploi sur la santé, l’éducation, etc. Il s’agit de prendre en compte le coût global, pour la société, de la privation durable d’emploi. Selon cette logique, toutes les organisations qui bénéficient de la suppression de la privation d’emploi doivent contribuer au financement de l’expérimentation à hauteur de ce qu’elles économisent lorsqu’une personne retrouve un emploi et de leurs nouvelles recettes générées par la création d’emplois.

Le financement par activation des dépenses passives, c’est donc un transfert de budget. Il s’agit de transformer des dépenses publiques et des manques à gagner du fait de l’existence de la privation d’emploi en investissements pour financer les emplois manquants et créer de nouvelles richesses pour les territoires.

Comment éviter la concurrence avec l’emploi local existant ?

C’est le rôle du Comité local pour l’emploi de faire ces arbitrages qui nécessitent parfois d’âpres débats ; exemple pour l’épicerie : elle ne vend que des fruits et légumes bio en circuit court et en vrac pour ne pas faire concurrence à la moyenne surface implantée sur la commune.
Autre paramètre : l’emploi à CAstilab est transitoire avant un retour sur le marché du travail.

Quelles sont les perspectives de Castilab ?

Trouver de nouveaux débouchés notamment dans la sous-traitance industrielle d’où l’importance de communiquer en direction des entreprises du BTP notamment et/ou des donneurs d’ordre publics.

Alors que nous avions pu constater par nous-mêmes les qualités d’empathie et d’écoute des responsables techniques de cette opération ainsi que la fierté et l’enthousiasme des salariés de Castilab, le maire de Castillon, Jacques Breillat, nous rejoignant à la crêperie, nous a développé les impacts positifs de cette opération : regain de dignité pour les personnes accablées par de longues périodes d’inactivité et sombrant parfois dans des conduites addictives, nouveau regard porté par l’ensemble de la population sur les difficultés des chômeurs et leur capacité de résilience, mobilisation et créativité des acteurs économiques et institutionnels engagés dans cette aventure collective dont nous avons bien compris qu’elle devait en bonne partie son succès au dynamisme fédérateur de l’élu.

Nous avons quitté le maire en souhaitant que la dynamique impulsée sur le territoire de sa commune puisse achever de convaincre les décideurs nationaux de la nécessité de poursuivre et amplifier le déploiement de l'expérimentation "Territoire zéro chômeur de longue durée", tandis que certains membres de notre délégation (par ailleurs élus) imaginaient déjà des partenariats possibles avec Castilab.

Composition de la délégation de l’ANMONM :

Alain Bouthors(président du comité local Garonne Université), Michèle et Joël Cabardos (Joël, président de l’ANMONM33 de 2019 à juin 2025), René Clamens (trésorier de notre section), Christiane Dulong (présidente de la commission Entraide et maire de Daubèze), René Naudot(président de l’ANMONM33 de …. à 2019), Marie-Christine et Jean-Pierre Plessiet (Marie-Christine, présidente par intérim de notre section), Cyriak Quenault (maire de Saint Magne), Marie-Emilie et Jean Salette (Marie-Emilie, présidente du comité local du Libournais et de la commission départementale Education citoyenne). 

 

Pour en savoir plus sur l’évaluation de cette expérimentation nous vous conseillons la lecture du récent rapport de la Cour des Comptes sur le sujet :

https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lexperimentation-territoire-zero-chomeur-de-longue-duree




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